dimanche 31 décembre 2023

Paroles et Portraits de Surfeuses et Surfeurs Bretons - Katell Ropert


Salut Katell, avant de commencer cet entretien, je voulais te remercier de me consacrer un peu de ton temps pour échanger sur ton parcours incroyable, qui donne une belle leçon de vie à tout le monde. Alors pour débuter, peux-tu te présenter en quelques mots.

Bretonne très attachée aux galettes et au lait ribot, j’ai aussi vécu à l’étranger.

J’ai toujours vécu proche de la nature, je vivais en yourte avec ma tribu de cinq

enfants avant mon accident. J’ai toujours eu besoin de bouger ! je circulais en

bi porteur, je courais dans les bois, j’allais nager avec mon cheval… Bouger,

mon corps m’équilibre, aujourd’hui je suis moins mobile mais je trouve

toujours des alternatives pour prendre des bains de nature !


Infirmière de métier, sportive touche à tout depuis ton plus jeune âge, voyageuse, tu as même habité quelques années en Polynésie, puis en 2017 tout bascule à la suite d'une opération chirurgicale, explique nous ce qu'il s'est passé.

Je n’aime pas trop parler de ma vie privée, un accident m’a rendue

tétraplégique, il n’y a rien à dire d’autre. C’est moi aujourd’hui, peut être toi

demain … c’est imprévisible, ça te tombe dessus en 1/10 -ème de seconde. Ce

qui est important c’est ce qu’on décide d’en faire après ! J’ai choisi de vivre ça

comme l’opportunité et d’aller voir derrière ce mur qu’on avait mis sur ma

route.


En 2018, tu découvres le surf suite à une initiation et tu deviens licencié au sein du WSA de Guidel, peut-on dire que ces moments furent les prémices de ton addiction au surf.

C’est l’asso Vagd’espoir qui me met à l’eau pendant les pro junior de la Torche

en mai 2018, 3 jours plus tard je prends ma licence de surf au club le plus

proche de chez moi , à Guidel , pendant 1 an . Par la suite je me suis surtout

entrainée en free surf, en multipliant les sessions et les spots : en Bretagne , au

pays Basque , Espagne , Portugal , Grande Bretagne … J’ai aussi été surfer

sur la vague artificielle de Snowdonia .


Explique nous, comment se sont passés tes débuts en surf, quels ont été les premières difficultés à surmonter pour débuter, progresser et réussir à participer au championnat de France à Hossegor.

La première difficulté c’est quand on m’a mise sur une planche de surf et que

je me suis soudain demandée si je savais encore nager ! 2 minutes plus tard j’ai

compris qu’en fait non : je ne pouvais plus nager et qu’il allait vite devoir

réapprendre pour éviter de me noyer sur chaque boite ! J’ai dû apprendre à me

retourner sur le dos et attendre en évitant la planche quand je tombais. J’ai

beaucoup travaillé en piscine pour comprendre comment fonctionnait mon

corps inerte dans l’eau et retrouver une relative aisance aquatique.

Par la suite, au fil des sessions et des planches que j’ai testées , j’ai fini par

définir ma planche idéale et j’ai demandé à Karl Gransagne de me la shaper . Il

me l’a livrée la veille des France, je l’ai testée sur « la piste » en shore break , on

 m’a récupérée la tête dans le sable en tirant sur le leash ! Bon pour le

moment je ne me suis pas encore fait peur , ça aide à prendre tout ce qui

passe sans trop se poser de questions !



            


Suite à ta participation et à ta bonne performance au Championnat de France, tu intègres l'équipe de France de Parasurf et cela te mènera jusqu'au Championnat du monde au USA, tout ça en à peine deux ans. Quand tu te retrouves au USA, qu'est-ce-que tu te dis, car ça doit être dingue de se voir arriver à ce niveau en si peu de temps.

Franchement moi je vis le moment, et j’ai adoré cette ambiance , les échanges 

avec les autres compétiteurs , c’est ce que je recherche avant tout en

compétition… même si je kiffe bien le son du buzzer!

Mais jamais on n’a réussi à me mettre la pression . J’aime surfer donc si je suis

contente de ma vague c’est qu’elle était bonne, je crois que le secret c’est de

vouloir se faire plaisir avant tout !


Quand on regarde ton parcours on ne peut qu'être admiratif.

2018 Championne de Bretagne et de France

2019 Championne de France et d'Europe

2018 Vice-Championne du Monde

2020 - 4 éme au Championnat du Monde

2022 Vice Championne de l'US Open Adaptive surf 

Quel regard portes-tu sur ce parcours incroyable.

Ce parcours et le regard positif du public m’a surtout permis de réaliser que

j’étais encore capable de faire des choses ! malgré le handicap mais aussi

malgré mon âge…

En 4 ans j’ai enchainé sur un diplôme universitaire, j’ai ensuite travaillé avec

une chercheuse sur les parasports extrêmes et pour finir j’ai validé un master

en politiques sociales. Je sais que c’est grâce à ce parcours que j’ai pu

dépasser les difficultés et en arriver là, jusqu’à trouver un travail qui me plait et

un nouvel équilibre dans ma vie. Le  surf a été mon support pendant ces

dernières années.


J'imagine que l'on n'arrive pas à ce niveau d'excellence de performances sans une super team. 

Parle nous un peu de ceux qui t'accompagnent au quotidien dans le surf, quelles techniques as-tu développé pour prendre les vagues et quel est ton rythme d'entrainement pour arriver à ce niveau.

Alors déjà au quotidien j’ai des auxiliaires de vie. Quand on me voit sur une

planche on oublie que se lever, faire ses soins , la toilette , s’habiller …bah déjà

t’as envie de te recoucher parce que c’est un marathon quotidien ! donc mes

AVS sont toujours là pour le quotidien mais aussi pour enfiler ma combinaison

et m’emmener à l’eau .

Ensuite, les meilleurs conseils que j’ai eu sont ceux de mes pairs : d’autres

surfeurs handi qui connaissent parfaitement mes capacités physiques et n’ont

pas peur de me faire surfer sur des vagues un peu punchy !

Après c’est du training, je travaille le haut de mon corps au quotidien, je fais des

séries d’haltères et de la piscine chaque semaine.

A l’eau j’embauche à la session des surfeurs ou body boarders un peu

toniques qui me poussent sur des spots différents. J’aime changer souvent

mais j’aime la Bretagne pour ses vagues techniques !

J’ai une grande inertie donc je dois beaucoup jouer sur mon équilibre sur la

planche pour gagner en vitesse et ne pas enfourner quand ça part .


Parlons un peu technique, car il te faut des planches de surf adaptées, comment as-tu trouvé ton matériel approprié et avec qui collabores-tu pour la réalisation de tes planches.

Moi je regarde ce que font les shappers et je vais les rencontrer avec une

demande forcément très différente de celles dont ils ont l’habitude. Ils sortent

totalement de leur zone de confort ! J’ai travaillé avec Karl Gransagne à

Hossegor , Vincent Marechal et Jean Marc Graal à Sainte Hélène.


Je t'ai vu récemment en photo sur ta page Instagram avec un beau quiver en arrière plan, peux-tu nous en dire plus sur ces models.

Ma première planche est très volumineuse, elle passe partout, elle a été pliée

sur un vol vers Manchester , elle est pleine de scotch mais je surfe toujours

avec !!!

J’en ai une que je surfe peu car adaptée aux vagues du sud-ouest avec

beaucoup de puissance, elle ne part pas bien ici, en Bretagne.

J’ai une planche de chez Graal surfboards qui part d’un modèle de longboard

sur laquelle on a développé des adaptations à mettre ou retirer avec des

velcros, parfaite en petites conditions.

Et ma dernière c’est une Stark, une petite bombe assez courte et ultra maniable

mais qui nécessite un peu de jus.

Toutes mes planches sont adaptées à mon handicap, j’ai des cales jambes qui

m’évitent de glisser sur les côtés, une ou des poignées qui me permettent

d’avancer ou reculer sur la planche et des cales coudes sur la dernière, grâce

auxquels je peux surélever mon buste parce que je n’ai plus d’abdominaux ni

de dorsaux .





J'imagine que de part tes résultats et la médiatisation qui s'en suit, tu as du donner envie à d'autres personnes en situation de handicap de se surpasser et peut être même de vouloir tout comme toi, gouter au joie du surf. 

Comment vois-tu l'évolution et l'accès au Parasurf dans les années à venir.

C’est vraiment compliqué de pratiquer le surf avec un handicap comme le

mien. Souvent t’es bienvenu quand t’as un handicap qui te permet d’être

autonome sur une planche : mal au genou , amputé … là ça le fait . Par contre

dès que t’es plus handi et en fauteuil on te propose des cours du type

rassemblement d’handicapés avec plein de bénévoles . Pour moi c’est pas

viable. On parle d’inclusion, ben l’inclusion c’est de venir avec ton AVS sur un

cours valide et de prendre un cours de surf et pas un truc d’handi ou on te

cocoone de peur de te casser et on te pousse tout droit dans les mousses …

Les meilleurs parasurfeurs Français sont assez peu handi pour surfer seuls, ils

progressent en pratiquant et ne font pas souvent de compétition. Il faut arrêter

de parler de surf thérapie dès qu’un handi va surfer … on a juste envie de faire

du surf et pas des ronds dans les mousses.

Mais c’est valable pour tous les sports. Moi je m’amuse dans les skate park

avec ma fille, je vois bien que le gens comprennent pas trop ce que fait la meuf

en fauteuil dans un skate park ! ben je ride … c’est con hein mais dès que t’es

en fauteuil t’es invalidé partout où tu vas , c’est lourd parfois de pas avoir le

droit de sortir de ta case d’handi !


Tu es aussi très active dans le monde associatif et tu milites beaucoup pour qu'une meilleure place dans notre société soit faite aux personnes handicapées.

Peux-tu nous en dire plus à ce sujet.

Moi je suis une dévalideuse ! Je milite juste pour être une nana invisible parce

qu’elle aurait accès a tout comme les valides. Je fais pas ma pleureuse, je demande

 juste l’équité .

Quand on commence à me parler en me disant « ma pauv’ dame … » déjà ça

part mal ! Je suis heureuse dans ma vie moi ! je bosse, je bouge, je voyage , je

suis une femme , une maman , une amante , comme n’importe quelle nana !

mais ce n’est pas ce qu’on voit de moi au premier abord : le fauteuil perturbe

les relations sociales . D’ailleurs j’en ai fait mon mémoire de recherche ;) !

Ce qui m’exaspère ce sont ces valides qui savent pour les handi … on te pond

un truc sans jamais t’avoir consulté et c’est censé être génial …sauf que ça ne

fonctionne jamais. Justement parce qu’on ne nous consulte pas ! C’est valable

partout, y compris dans le sport ! à quand des handi dans les commissions de

parasport ? ça me parait être la base …


Quelques mots sur l'association FAST dont tu es présidente.

French Adaptive Surfeur Tank est une asso créée par des surfeurs handi . Pour

montrer qu’on est capable de se prendre en charge tout seul comme des

grands y compris en compétitions internationales. Nous avons d’ailleurs

organisé les 2 premières compétitions internationales de parasurf en France.

A la base il s’agissait surtout d’organiser des sessions de training sur le

territoire Français afin de progresser et de travailler sur le matériel car rien

n’existait .

Nous continuons à envoyer des surfeurs sur le circuit pro international (privé)

et en surf trip pour le plaisir de rider ensemble.





As-tu des Surfeurs ou Surfeuses qui t'inspirent au quotidien.

Ma plus grande fierté est d’avoir surfé avec Jesse Bilauer , un parasurfer

Californien tetra , ancien pro qui a eu un accident jeune et a toujours continué

à surfer .


Une musique préférée que tu écoutes avant une session.

J’aime bien associer un opéra à la vision des vagues qui déferlent, à la majesté

de l’océan … sinon je peux aussi écouter Justice ou Gael Faye ! Je n’ai

absolument aucun apriori, j’aime découvrir de nouveaux titres !


Je vais te laisser conclure cet entretien, tu peux y dire ce que tu veux, tes espoirs, la place du handicap dans notre société, tes projets à venir. Bref, tu as carte blanche pour cette conclusion.

Je pense que tout est corrélé. Du moment que le handicap est compensé, on

peut participer et avoir une vie sociale lambda.

Le jour où on parlera de citoyen-ne-s avant de parler de handicapé-es , ça

voudra dire que la société aura compris que nous sommes tous des êtres

humains avec à peu près le même objectif dans la vie : être heureux !

Plus personnellement, suite à une chute au travail, je viens d’être réopérée des

cervicales. Mon cou est désormais bloqué par une arthrodèse haute et j’ai des

séquelles neurologiques, je ne sais pas comment je vais pouvoir surfer de

nouveau … encore une nouvelle aventure ! On programme un surf trip à

l’automne avec FAST, ce sera l’occasion de reprendre doucement en eaux

chaudes !





jeudi 21 décembre 2023

"Paroles et Portraits de Surfeuses et Surfeurs Bretons" - Antoine / Storm Surfing - Ecole de surf



Ce portrait est dédié à la mémoire de notre pote et ami, Antoine, qui vient de nous quitter. Nous sommes effondrés et tristes qu'une si belle âme soit partie si rapidement.. 

Nous garderons de lui, son sourire, son enthousiasme à l'eau et le souvenir d'un mec passionné et passionnant, qui vivait pour son école de surf. 

Nous nous souviendrons aussi de son envie de transmettre sa passion pour le surf et l'océan à toutes celles et ceux qui le sollicitaient au travers de son école de surf ainsi qu'à la jeune génération de Surfeurs Bretons. 

Ride bien où que tu sois et passe le bonjour à notre Boz parti lui aussi bien trop tôt.

                                                                                       Aloha...




Année de tes débuts en surf.

Début en 1991.

Ce que t'apporte le surf en général.

Joie et partage, échappatoire

Ton artiste, groupe ou album fétiche avant d'aller à l'eau.

Pas de musiques favorites, temps qu'il y a de bonnes vibes.

Ton surfeur qui t'a ou t'inspire.

Kelly Slater, Martin Potter, Tom Curren, Bobby Martinez

Jordy Smith, Ramzi Boukhiam



Longboard, shortboard ou autres.

Surf all boards, mais je préfère le shortboard

Un spot favori.

Plusieurs... le Cap Fréhel, Lostmarc'h, Saint Tugen, L'île aux vaches et les Tropiques

Tu as monté ton école de surf il y a quelques années maintenant, peux-tu nous en parler.

j'ai monté mon école après quelques années d'expériences dans plusieurs écoles "grandes et petites structures" sur des typologies de plages bien différentes afin de parfaire ma pédagogie avant de monter mon école.

Je l'ai monté parce que cela faisait depuis les années 2000 que j'étais employé sur différents secteurs d'activités, et comme à l'époque je n'ai pas pu faire surfeur pro, athlète ou prof de sport, c'était l'occasion de faire de ma passion mon travail.

Aujourd'hui je suis dans l'enseignement de ma passion et mon propre patron et ça, ça n'a pas de prix.

Aujourd'hui je travaille avec des scolaires, des handicapés, des locaux, vacanciers et ce dès l'âge de 5 ans.

Quel regard portes-tu sur le surf et l'ambiance à l'eau en général depuis tes débuts.

Je porte un regard mitigé. Depuis des années l'esprit surf se dégrade, parce que certains moniteurs ou simplement surfeurs véhiculent un esprit d'individualisme prêt à tout pour obtenir sa vague et ça devient dangereux. 

Pour rappel, à l'époque, le surf était un esprit roots et un mode de vie "dit cool" et de partage, ce que j'essaie de faire avec ma structure.



Comment vois-tu l'évolution du surf dans les années à venir.

J'espère que le surf évoluera sous un autre visage, afin de donner goût à tous de partager ce beau sport

Pour finir, un lieu pour boire un coup ou manger un morceau après la session.

Le meilleur lieu avant et après le surf, c'est sur le spot où chez les copains.

Pour toi galettes ou crêpes, bière ou cidre.

Galettes et crêpes.

Bière et cidre.

Bretagne.